1940 : l’émergence d’une première Résistance
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L’exposition des Archives départementales « 1940 en Eure-et-Loir. Chaos, soumission et refus » retrace les événements de cette période et met en lumière les premiers actes de bravoure contre l’occupant allemand.
L’appel du général de Gaulle le 18 juin 1940 sur les ondes de la BBC, rejetant la demande d’armistice formulée la veille par le Maréchal Pétain et exhortant les Français à poursuivre le combat, peut être considéré comme l’acte fondateur de la Résistance française. Pourtant, ce message ne fut que peu entendu en Eure-et-Loir, département alors en proie aux plus grands bouleversements avec les bombardements qui le frappaient depuis la fin du mois de mai 1940 et l’arrivée des Allemands le 14 juin. Les coupures d’électricité et de transmissions radiophoniques ainsi que la stricte censure mise en place par l’occupant ne permirent pas aux Euréliens de se tenir informés en dehors des canaux officiels. Pourtant, dès 1940, certains furent à l’origine de courageux actes d’hostilité à l’égard de l’occupant allemand
On commémore clandestinement le 11 Novembre
En juin, à Bonneval, un électricien sabote plusieurs véhicules de l’armée allemande, des faits similaires se reproduisent en plusieurs points du département. En août, un homme est incarcéré à Chartres pour avoir attaqué plusieurs soldats allemands. Des cheminots de la gare de Chartres préfèrent accidenter volontairement deux locomotives en les projetant l’une contre l’autre plutôt que de les voir réquisitionnées par les Allemands. D’autres choisissent de laisser tracts et graffitis hostiles à l’occupant, dans les lieux publics. C’est notamment le fait d’élèves du lycée de jeunes filles de Chartres ou du collège de Châteaudun. Des journaux clandestins commencent à circuler sous le manteau. Relève également de la provocation le fait de commémorer le 11 novembre, pourtant strictement interdit par les Allemands, ou certains actes isolés comme ce lièvre mort accroché près d’un bâtiment occupé par les Allemands, avec le mot « pour ton Noël, cochon Boche ».
D’autres, enfin, notamment dans les campagnes, prennent le risque d’héberger des aviateurs anglais ou des évadés des camps de prisonniers. L’obligation, plusieurs fois réitérée par les Allemands, de déposer toutes les armes en leur possession par les Euréliens, témoigne de la probable constitution de caches d’armes par les habitants et du glissement progressif vers une Résistance qui se militarise. De fait, de premiers regroupements commencent à s’opérer en fin d’année 1940. Face à ces actes d’hostilité, la répression allemande s’exerce diversement : au-delà du renfort de la surveillance, de la censure et de l’interdiction des manifestations publiques, l’attitude de l’occupant varie selon la gravité des faits, allant de la simple amende ou demande de sanction aux autorités françaises aux menaces de représailles contre toute une communauté et aux exécutions sommaires.
Le geste de résistance de Jean Moulin
Le geste le plus remarquable de résistance fut celui de Jean Moulin. Préfet d’Eure-et-Loir depuis le 21 février 1939, il est en charge du département durant les premiers temps de la guerre et notamment lors des terribles mois de mai et juin 1940 durant lesquels, avec un sens aigu du devoir, il s’efforce d’assurer le ravitaillement et la protection des populations. Il s’oppose fermement aux Allemands lorsque ceux-ci tentent de lui faire accuser des tirailleurs sénégalais de terribles atrocités contre des civils. N’en ayant aucune preuve, Jean Moulin refuse. Torturé par les Allemands, il tente de mettre fin à ses jours en se tranchant la gorge, il est sauvé de justesse. Révoqué de ses fonctions en novembre 1940, il rejoint le général de Gaulle à Londres en 1941 qui le charge d’unifier les mouvements de résistance en France. Sa détermination face aux Allemands et son choix de la mort plutôt que le déshonneur en font l’un des plus grands visages de la Résistance française.
Du simple particulier refusant la présence allemande au préfet d’Eure-et-Loir, les premiers gestes de Résistance prirent des formes variées. Tous témoignent du rejet de la fatalité, de la défaite, de l’arbitraire et de la privation de liberté. S’il ne s’agit pas encore d’une forme organisée de Résistance, ces actes isolés sont les premiers jalons de la lutte contre l’occupant telle qu’elle va se développer et se structurer dans les années suivantes.