Quand les maîtres jardiniers façonnaient les parcs d’Eure-et-Loir

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À l’image d’André Le Nôtre, L’Eure-et-Loir a toujours inspiré d’é

En arpentant les nombreux parcs et jardins d’Eure-et-Loir, qui se souvient aujourd’hui de l’Ecossais Thomas Baiklie, figure emblématique de l’art paysager de la fin du XVIIIe siècle et du début du XIXe, qui fut l’un des plus prolifiques de sa génération ?

Qui aurait cité, sans hésiter, Henri et Achille Duchêne, père et fils des XIX et XXe siècles, formidables architectes paysagistes que d’aucuns appelaient même « princes des jardins et jardiniers des princes » ? Qui même aurait pensé à glorifier l’art prolifique et ô combien inventif de Jacques Androuet du Cerceau qui fut sans doute, à la Renaissance (XVIe siècle), l’inventeur de l’architecture à la française ?

Non, tous ces noms, comme celui de Louis-Martin Berthault (XIXe siècle) ou de Denis et Eugène Bühler (XIXe siècle également), sont hélas souvent tombés dans l’oubli, balayés par la figure toute puissante du seul jardinier dont le nom affleure immédiatement aux lèvres : André Le Nôtre.

En Eure-et-Loir, pourtant, si Le Nôtre a bel et bien sa place – et quelle place, bien sûr puisqu’il a dessiné en 1676 les jardins du château de Maintenon et aménagé ceux du château d’Anet ! -, tous les autres n’ont pas démérité, laissant également ça et là une trace de leur génie créateur.

Il n’est qu’à visiter le parc et les jardins du château d’Anet, celui du château de Courtalain, ceux des châteaux de Montigny-le-Ganelon ou de Marboué ou encore d’Abondant, Houville-la-Branche ou Cloyes-les-trois-rivières pour s’en rendre compte : les grands créateurs de jardins de l’Histoire ont aimé l’Eure-et-Loir et magnifié ses espaces verts. Une tradition qui ne se perd pas puisqu’aujourd’hui encore, de grands noms de l’art paysager se retrouvent au panthéon des plus beaux jardins d’Eure-et-Loir comme Louis Benech, qui vient de réaménager les jardins de l’abbaye de Thiron Gardais pour Stéphane Bern.

Ils sont passés par…

Anet : D’Androuet du Cerceau aux frères Bühler, en passant par Le Nôtre

Dans les années 1550, quelques années après que Diane de Poitiers ait hérité du château d’Anet à la mort de son mari, Jacques Androuet du Cerceau est le premier architecte paysagiste à être mandaté pour lister, dans la description du domaine, l’ensemble des aménagements présents : le jardin, la galerie voûtée, les fontaines, l’orangerie, les volières, le parc, les bois, les canaux ou encore la héronnière.

Mais c’est au début du XVIIe siècle qu’André Le Nôtre, le célèbre architecte paysagiste du roi Louis XIV, est appelé pour aménager les jardins du château d’Anet : il supprime d’abord les communs (Jeu de paume, orangerie, volières) et le cryptoportique pour le remplacer par des terrasses à degrés. Puis, comme il l’a fait pour Versailles, le paysagiste creuse un grand canal dérivé de l’Eure autour des jardins au-delà desquels s’étend un parc boisé percé d’allées rayonnantes.

En 1804, tous les arbres du parc sont détruits. Cependant, aujourd’hui, la beauté lumineuse des jardins fait toujours merveille dans le parc du château d’Anet, après que les frères Denis et Eugène Bühler l’ont transformé dans la première moitié du XIXe siècle en parc dit « à l’Anglaise ». Le grand canal est rétabli en 1884.

Abondant : Achille Duchêne à la manoeuvre

Réaménagé en partie – dans la première moitié du XVIIIe siècle – par l’architecte Jean Mansart de Jouy, le château d’Abondant a fait l’objet, au début du XXe, de toutes les attentions de son nouvel acquéreur, l’industriel américain Franklin Singer.

Celui-ci, connaissant la réputation du célèbre architecte paysagiste Achille Duchêne – fils du non moins célèbre Henri Duchêne –, lui demande alors de dessiner dans le parc du château un parterre de broderies en buis taillés et graviers colorés, lové au coeur d’un vaste boulingrin (un parterre gazonné en creux) conçu en « demi-lune » et marqué au centre par deux escaliers se faisant face.

Achille Duchêne imagine alors un bel espace gazonné de type « tapis vert », prolongé par une longue perspective axiale qui rejoint la forêt de Dreux et traverse visuellement le château. Le parc ainsi que le château finiront par être découpés en lots et, malgré l’inscription aux Monuments historiques, l’avenue en perspective de l’entrée, longue de deux kilomètres, a été détruite dans les années 1970.

Maintenon : André Le Nôtre, « LE » maître

André Le Nôtre fut l’éminent jardinier en chef du château de Versailles. On l’appelle d’ailleurs communément « le Roi des jardiniers et jardinier du Roi ». Mais en Eure-et-Loir, le « pape » des jardins dits à la française, auteur de manifestes paysagers du XVIIe siècle, fut surtout celui qui oeuvra au château de Maintenon, quatre ans avant d’être anobli, en y dessinant les plans du parc sur ordre de Louis XIV. La perspective y avait comme à son habitude une place importante – ici une perspective imprenable sur le canal de l’Eure passant sous l’aqueduc réalisé par Vauban – avec divers parterres et rosiers, dans une harmonieuse alliance de minéral et de végétal. L’allée plantée Le Nôtre fait alors face à l’allée Racine, en hommage au célèbre poète et dramaturge.

Le Conseil départemental, en 2013, a contribué au réaménagement fidèle du jardin à la française imaginé par André Le Nôtre, pour commémorer le 400e anniversaire de sa naissance. Une réalisation qui fut confiée au maître jardinier duchâteau de Champ-de-Bataille, Patrick Pottier et qui permet de replonger aujourd’hui dans ce XVIIe siècle des jardins qui fi t la gloire du « Roi des jardiniers».

Courtalain : Louis-Martin Berthault et Thomas Baiklie au XIXe siècle

À Courtalain s’élève un somptueux château associant architecture médiévale, Renaissance et des extensions néo-médiévales du XIXe siècle. Le château, visible de loin car construit sur un promontoire, est entouré d’un parc dit « à l’Anglaise » de quelque 200 hectares.

Mais ce parc à l’Anglaise fut longtemps un jardin « à la Française », aménagé par Gabriel de Lestrade et ce, jusqu’en 1810, date à laquelle les propriétaires des lieux engagent celui qu’on appelle alors « le Le Nôtre du XIXe siècle », Louis-Martin Berthault. L’éminent architecte paysagiste, très en vogue à cette époque, est chargé de la transformation « à l’anglaise » des lieux : grandes perspectives autour du château, douves, serre, jardin potager…

En avril 1835, cependant, c’est l’architecte paysagiste écossais Thomas Blaikie qui mentionne, dans le Garden’s magazine, son intervention à Courtalain. Un maître jardinier connu pour dessiner ses jardins anglais sur place, sans réaliser de plan en amont. Thomas Blaikie est également intervenu dans le parc de 15 hectares du château de Montigny-le-Ganelon, ainsi que dans les jardin du château de Marboué.